Quiz Chocolats symphoniques: associer l’extrait de musique à la saveur de chocolat. Lors du International Multisensory Research Forum, à Toronto, en 2018. Photo: Nadia Zheng
Quiz Chocolats symphoniques: associer l’extrait de musique à la saveur de chocolat. Lors du International Multisensory Research Forum, à Toronto, en 2018. Photo: Nadia Zheng
Dégustation de chocolats lors du pré-lancement du CD de Chocolats symphoniques, chez Geneviève Grandbois, en 2013.
Recension de la littérature scientifique par Louis Brouillette, Ph. D., musicologue et chercheur en éducation
5 mai 2018
Est-ce que l’écoute de la musique peut changer les perceptions gustatives des aliments ? Voilà une intrigante question sur laquelle se sont penchés quelques chercheurs européens et nord-américains ces dernières années. Leurs études menées avec divers types de musique (classique, jazz, rock, hip hop, etc.) et différents aliments (chocolat, crème glacée, bière, vin, etc.) ont permis de cerner l’influence de la musique sur le goût de la nourriture et le plaisir que nous avons à la consommer. Au sujet de la relation entre la musique et le chocolat, quels sont les principaux résultats de recherche et comment les scientifiques sont arrivés à de tels résultats ? Lisez la suite pour le découvrir.
Dans l’étude de Reinoso Carvalho et al. (2015), 24 participants ont goûté à six chocolats de la fabrique The Chocolate Line de Bruges (deux sucrés, deux mi-sucrés et deux amers) et ont écouté trois compositions musicales produites en collaboration avec le département de musicologie de l’Université de Gand (une dite « sucrée » avec notamment des filtres à haute résonance, une « mi-sucrée » et une « amer » avec des filtres à basse résonance). Les participants devaient associer chaque chocolat à la musique qui lui correspondait le mieux. Les participants ont ensuite évalué, à l’aide d’une échelle à neuf points (-4 = très amer, 0 = neutre, 4 = très sucré), le côté amer ou sucré de chacun des chocolats en le dégustant en silence et en écoutant les compositions. L’étude a montré que le chocolat amer paraissait significativement plus sucré lorsqu’il était dégusté en écoutant de la musique que le participant avait qualifiée de « sucrée ».
Dans une autre étude de Reinoso Carvalho et al. (2017), quatre types de chocolat de la fabrique The Chocolate Line ont été employés (un chocolat anguleux à 70 % de cacao, un chocolat rond à 70 % de cacao, un chocolat anguleux à 80 % de cacao et un chocolat rond à 80 % de cacao) ainsi que deux compositions d’une minute (disponibles à http://tinyurl.com/creaminess-chocolate). La musique dite « crémeuse » contient des sons longs, liés et consonants tandis que la composition « rugueuse » comporte des sons courts, détachés et dissonants. De façon aléatoire, les 116 participants devaient goûter à deux chocolats identiques en écoutant les deux compositions et en évaluant notamment le goût crémeux, sucré et amer à l’aide d’échelles de Likert à sept points (1 = pas du tout, 4 = neutre, 7 = fortement). L’étude rapporte que les chocolats paraissaient plus crémeux et sucrés en écoutant une composition « crémeuse » et que les chocolats semblaient davantage amers avec la musique « rugueuse ». La forme des chocolats et le pourcentage de cacao n’ont généré aucun impact significatif sur les résultats.
Guetta et Loui (2017) ont testé l’influence des préférences gustatives et musicales dans la relation entre le goût et la musique. 23 étudiants universitaires devaient évaluer quatre chocolats (un sucré, un acide, un salé et un amer) et des compositions correspondant aux quatre types de chocolat (voir le tableau 1 pour la description des compositions) selon une échelle de Likert à sept points (1 = très déplaisant, 7 = très plaisant). Une corrélation significative entre les préférences gustatives et musicales a été observée, indiquant, par exemple, qu’un individu aimant le chocolat salé aime probablement la musique dite « salée » ou, comme la majorité des participants, qu’un individu aimant le chocolat sucré aime probablement la musique « sucrée ». Cette étude suggère ainsi que les préférences musicales et gustatives influencent la relation complexe entre le goût d’un chocolat et un type de musique.
Qualificatif de la composition / Caractéristiques de la composition (déterminées à partir de recherches antérieures)
Sucrée / Jeu legato, davantage de vibrato, emphase sur les notes aigües
Salée / Tempo rapide, staccatos
Acide / Dissonances, petits glissandos
Amer / Tempo plus lent, sons plus ronds, vibrato, emphase sur les notes graves
Tableau 1 : Qualificatifs et caractéristiques des compositions utilisées par Guetta et Loui (2017). Elles peuvent être écoutées à https://wesfiles.wesleyan.edu/home/ploui/web/SoundTasteCrossmodal/.
Fiegel et al. (2014) ont examiné l’impact de différents types de musique sur la modification du goût d’un aliment émotif (du chocolat au lait) ou non-émotif (un poivron rouge). 99 Nord-Américains, divisés en deux groupes (A et B), ont mangé du chocolat et du poivron en écoutant quatre types de musique (classique, jazz, rock et hip hop) et en évaluant l’intensité du goût de l’aliment et le degré de plaisir avec une échelle de 15 unités (0 = extrêmement faible ou désagréable, 15 = extrêmement fort ou plaisant). Les musiques écoutées par le groupe A étaient interprétées par un seul musicien et celles du groupe B étaient exécutées par plusieurs musiciens. L’étude montre que le degré de plaisir à déguster un aliment peut être modifié par un type particulier de musique car les participants du groupe A ont, de façon significative, aimé davantage le chocolat et le poivron lorsqu’ils ont écouté du jazz plutôt que du hip hop.
En somme, la science montre que la musique peut influencer le goût du chocolat et que certains types de musique modifient davantage les perceptions gustatives ou le degré de plaisir. Par conséquent, les chocolats dégustés en écoutant Chocolats symphoniques de Maxime Goulet pourraient avoir un goût différent de ceux consommés en silence. Allez-y, tentez l’expérience !
Liste des études citées